En 2018, Google a été condamné à une amende de 4,34 milliards d'euros - soit la plus grosse amende antitrust jamais imposée par l'UE - pour avoir forcé les fabricants de téléphones à préinstaller certaines de ses applications, notamment Search et Chrome, à l'exclusion d'autres moteurs de recherche et navigateurs Web. L'amende ne représentait qu'une fraction du chiffre d'affaires de 116 milliards d'euros que la société mère Alphabet a enregistré en 2018, mais le véritable coût pour la société était la menace qui pesait sur ses revenus futurs si les smartphones étaient livrés aux consommateurs sans les applications Google déjà installées. Il a fallu attendre septembre 2021 pour que Google fasse appel. Mais la décision de l'UE, qui a été rendu aujourd'hui, n'est pas en faveur de Google.
L'UE a confirmé une accusation antitrust de 2018 contre Google, confirmant que la société avait imposé des "restrictions illégales" aux fabricants de téléphones Android afin de promouvoir son moteur de recherche sur les appareils mobiles.
Google a tenté de faire appel de cette accusation, qui a été annoncée en 2018. Elle comprenait une amende record de 4,3 milliards d'euros, que le Tribunal de l'UE a réduite à 4,1 milliards d'euros après avoir annoncé qu'elle "confirmait largement" la décision. Cette confirmation est un coup dur pour Google et renforce la position des avocats antitrust de l'UE, qui, menés par Margrethe Vestager, ont ciblé les abus de Big Tech.
L'accusation initiale de 2018 contre Google a révélé que la société avait abusé de sa position dominante sur le marché en forçant les fabricants de téléphones Android à restreindre la façon dont ils vendaient leurs appareils. Les fabricants ont dû accepter de ne pas vendre de téléphones utilisant des variantes d'Android ("forks" non approuvées par Google, et de préinstaller les applications Google Search et Chrome aux côtés de l'App Store de l'entreprise, le Play Store. Google a également payé les fabricants de téléphones et les opérateurs de téléphonie mobile pour qu'ils installent exclusivement la recherche Google sur les appareils dans le cadre d'un programme de partage des revenus.
Selon l'analyse de la Commission, Google considérait l'essor des smartphones comme une menace existentielle pour son activité de recherche (alors basée sur les ordinateurs de bureau). Ainsi, le géant de la technologie a poussé les fabricants de téléphones à mettre son moteur de recherche au premier plan sur leurs appareils.
La réponse juridique de Google s'est concentrée sur un certain nombre d'arguments, notamment que la Commission a jugé à tort que l'entreprise était dominante sur le marché de la téléphonie mobile (parce qu'iOS existe) et que ses actions étaient nécessaires pour empêcher la fragmentation de l'écosystème Android en de nombreux systèmes d'exploitation incompatibles (ce à quoi la Commission répond*: incompatible ou non, favoriser les systèmes d'exploitation mobiles concurrents est exactement le résultat souhaité d'un marché concurrentiel).
La décision rendue aujourd'hui par le Tribunal a confirmé la grande majorité des accusations initiales de la Commission. Cependant, la Cour a conclu que les systèmes de partage des revenus de Google avec les fabricants ne constituaient pas un abus de pouvoir de marché de Google, et a donc réduit l'amende en conséquence d'environ 5 % à 4,1 milliards d'euros.
La décision d'aujourd'hui provient du deuxième plus haut tribunal de l'UE, le Tribunal, ce qui signifie que Google peut à nouveau faire appel de cette décision auprès du plus haut tribunal de l'union, la Cour de justice. Google doit maintenant attendre deux mois et dix jours avant de pouvoir à nouveau faire appel.
Dans un communiqué d'un porte-parole, Google a déclaré: "Nous sommes déçus que la Cour n'ait pas annulé la décision dans son intégralité. Android a créé plus de choix pour tout le monde, pas moins, et soutient des milliers d'entreprises prospères en Europe et dans le monde".*
En savoir plus sur ce que la Commission européenne reproche à Google
La position dominante de Google expliquée par la Commission européenne
Suite à son enquête en 2018, la Commission européenne conclut que Google occupe une position dominante sur le marché des services de recherche générale sur l'internet, sur le marché des systèmes d'exploitation mobiles intelligents sous licence et sur le marché des boutiques d'applications en ligne pour Android.
Android est un système d'exploitation mobile sous licence, dans la mesure où les fabricants tiers d'appareils mobiles peuvent, sous licence, faire fonctionner Android sur leurs appareils. D'après la Commission, grâce au contrôle qu'il exerce sur Android, Google occupe une position dominante sur le marché mondial (à l'exception de la Chine) des systèmes d'exploitation mobiles intelligents sous licence, avec une part de marché de plus de 95 % au moment de l'enquête. Et il existe des barrières élevées à l'entrée, notamment en raison des effets de réseau : plus les consommateurs qui utilisent un système d'exploitation mobile intelligent sont nombreux, plus les développeurs élaborent des applications pour ce système - ce qui, à son tour, attire plus d'utilisateurs. En outre, des ressources considérables sont nécessaires pour mettre en place un système d'exploitation mobile sous licence qui soit performant.
Pour ce qui est des services de recherche générale, la firme américaine détenait des parts de marché de plus de 90 % dans la plupart des 31 États membres de l'Espace économique européen (EEE), et selon la Commission, il existait également des barrières élevées à l'entrée sur ce marché. Enfin, en ce qui concerne les boutiques d'applications Android, Google occupe encore une position dominante sur le marché mondial (à l'exception de la Chine). Plus de 90 % des applications téléchargées sur des appareils Android l'étaient en effet via Play Store, la boutique d'applications de Google. Et ce marché se caractérise aussi par d'importantes barrières à l'entrée, selon la Commission.
Les pratiques illégales dénoncées par la Commission européenne
Toutefois, « une position dominante sur le marché n'est en soi pas illégale au regard des règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles. Il incombe néanmoins tout particulièrement aux entreprises dominantes de veiller à ne pas abuser de leur pouvoir de marché en restreignant la concurrence, que ce soit sur le marché où elles détiennent une position dominante ou sur des marchés distincts », est-il précisé dans le communiqué de la Commission européenne. Le problème avec Google est que la firme américaine se serait livrée à trois types distincts de pratiques, qui avaient toutes pour objectif de consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l'Internet.
Dans son communiqué, la Commission européenne reproche dans un premier temps à Google d'avoir exigé des fabricants qu'ils préinstallent l'application Google Search et son navigateur (Chrome) comme condition à l'octroi de la licence pour sa boutique d'applications en ligne (Play Store). La Commission a conclu, dans sa décision, que Google s'est ainsi livré à une vente liée illégale à deux égards : premièrement, la vente liée illégale de l'application Google Search dès 2011, date à partir de laquelle Google a acquis une position dominante sur le marché des boutiques d'applications en ligne pour Android. Et deuxièmement, la vente liée illégale du navigateur Google Chrome dès 2012, date à partir de laquelle Google a inclus le navigateur Chrome dans son offre groupée d'applications (Google Play Store, Google Search et Google Chrome).
La deuxième pratique remise en cause est que Google a payé certains grands fabricants et certains grands opérateurs de réseaux mobiles pour qu'ils préinstallent en exclusivité l'application Google Search sur leurs appareils. La Commission estime que ces paiements sont illégaux, car cela a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à préinstaller des applications de recherche concurrentes. L'enquête de la Commission a en effet révélé que pour qu'un fabricant d'appareils (ou un opérateur de réseaux mobiles) refuse l'offre de Google pour installer un moteur de recherche concurrent, il aurait logiquement fallu que ce moteur de recherche paie au moins le manque à gagner du fabricant (ou de l'opérateur mobile). Or, un moteur de recherche concurrent n'aurait pas pu offrir cette compensation au fabricant tout en continuant lui-même à générer des bénéfices. Ce comportement de Google était illégal entre 2011 et 2014. Car en 2013, après que la Commission a commencé à se pencher sur la question, Google a commencé à lever progressivement son exigence, et la pratique illégale a cessé de façon effective à partir de 2014.
Le dernier reproche fait à Google est que l'entreprise a aussi empêché les fabricants souhaitant préinstaller les applications Google de vendre ne serait-ce qu'un seul appareil mobile fonctionnant sur d'autres versions d'Android non approuvées par Google (c'est-à-dire les forks Android). Ce que la Commission qualifie d'obstruction illégale au développement et à la distribution de systèmes d'exploitation Android concurrents. Le gendarme européen de la concurrence dit par exemple disposer d'éléments attestant que, par son comportement, Google a empêché plusieurs gros fabricants de développer et de vendre des appareils fonctionnant sous le fork Android d'Amazon appelé Fire OS.
« Par cette pratique, Google a également privé ses concurrents d'un canal important de commercialisation d'applications et de services, notamment de services de recherche générale, pouvant être préinstallés sur des forks Android. En conséquence, le comportement de Google a eu une incidence directe sur les utilisateurs, dans la mesure où il les a empêchés d'accéder à de nouvelles innovations et à des appareils mobiles intelligents basés sur d'autres versions du système d'exploitation Android. En d'autres termes, du fait de cette pratique, c'est Google - et non les utilisateurs, les développeurs d'applications et le marché - qui déterminait effectivement les systèmes d'exploitation susceptibles d'être couronnés de succès », estime la Commission européenne.
La Commission conclut que ces trois types d'abus font partie d'une stratégie globale de Google visant à consolider sa position dominante sur le marché de la recherche générale sur l'internet alors que l'importance de l'internet mobile augmentait de façon significative. D'où l'amende d'un montant de 4,34 milliards d'euros qui tient compte de la durée et de la gravité de l'infraction. Elle a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce aux services de publicité contextuelle sur les appareils Android dans l'EEE. Google dispose également de 90 jours à compter de l'annonce de la décision pour mettre fin aux pratiques remises en cause par la Commission européenne.
Sources : décision du Tribunal, réponse légale de Google
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Google ne parvient pas à faire annuler la décision antitrust de l'UE sur Android qui lui a valu une amende de 4,34 milliards d'euros,
Bien que le Tribunal l'ait abaissé de 5%
Google ne parvient pas à faire annuler la décision antitrust de l'UE sur Android qui lui a valu une amende de 4,34 milliards d'euros,
Bien que le Tribunal l'ait abaissé de 5%
Le , par Stéphane le calme
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