Les autorités chinoises ont une mainmise sur l'Internet du pays par le biais d'une opération de censure complexe et à plusieurs niveaux qui bloque l'accès à la quasi-totalité des informations et des médias sociaux étrangers, ainsi que les sujets et les mots-clés considérés comme politiquement sensibles ou préjudiciables au pouvoir du Parti communiste chinois. Les vidéos ou les appels à la protestation sont généralement supprimés immédiatement. Dernièrement, de nombreux mèmes et blagues ont commencé à circuler sur Internet sur le fait que les téléphones de fabrication chinoise peuvent automatiquement censurer ces contenus.
Cependant, il semble que les mèmes soient devenus réalité. Dans une vidéo devenue virale cette semaine sur les réseaux sociaux, un utilisateur chinois montre que les enregistrements vidéo des manifestations auxquelles il a assisté, enregistrées sur son téléphone Huawei, ne sont pas lisibles. Plus intéressant encore, seules les vidéos des manifestations sont supprimées, tandis que toutes les autres vidéos sont intactes. La vidéo a suscité un tollé et renfonce les préoccupations en matière de sécurité nationale des pays occidentaux, dont les États-Unis et le Canada, au sujet des équipements de télécommunication de la marque Huawei.
Selon les experts, dire que cela est extrêmement inquiétant, c'est ne rien dire. En effet, s'il est confirmé que le système d'exploitation des téléphones Huawei est effectivement en mesure de détecter des contenus vidéo et les supprimer automatiquement, cela signifierait que les téléphones de marque Huawei (du moins ceux vendus en République Populaire de Chine) disposent d'une puissante porte dérobée intégrée qui permet aux autorités gouvernementales de les contrôler à distance, ou que le système est conçu pour analyser l'activité de l'utilisateur et réagir automatiquement à certains éléments, comme les vidéos ou les textes.
En dépit de ces faits, certains critiques estiment que cela ne suffit pas pour tirer des conclusions d'envergure. Selon ces derniers, l'une des raisons pour lesquelles des matériels vidéo individuels peuvent être perdus (supprimés) peut être une simple erreur du système, sans parler du fait que l'authenticité de l'enregistrement ne peut malheureusement pas être vérifiée. Un autre problème est le fait que, bien que le désir de contrôler les matériels sur les téléphones des utilisateurs ne peut être nié, le réseau est plein d'enregistrements dans lesquels il atteint cet objectif par des fonctionnaires vérifiant manuellement les téléphones des citoyens.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement chinois ne souhaite certainement pas que certaines images soient divulguées. En outre, il est certain que la réputation des marques chinoises, notamment les fabricants de smartphones Huawei et Xiaomi, à l'étranger va se dégrader davantage si l'on révèle une connexion indiscutable permettant aux autorités chinoises d'accéder aux données et aux logiciels des téléphones. Dans le cas de Huawei, les liens avec le gouvernement chinois sont assez forts, ce qui a été démontré, entre autres, par le cas de l'aide à la conception de prisons et d'un système de suivi des minorités ethniques.
Le sujet de l'implication des autorités chinoises dans les grandes entreprises nationales est soulevé depuis très longtemps. À ce jour, il manque encore de preuves qui démontrent que les équipements chinois sont chargés de logiciels destinés à constituer une menace pour les consommateurs ou à affecter le fonctionnement de ces appareils pour faire appliquer la politique de la Chine. Bien sûr, Internet regorge de suppositions et d'indices, comme l'information selon laquelle les téléphones Xiaomi envoient des données à l'insu des utilisateurs, ou le gouvernement lituanien, qui recommande de se débarrasser de toutes les marques chinoises du pays.
La semaine dernière, la Federal Communications Commission (FCC) des États-Unis a voté de nouvelles règles qui interdisent la vente et l'importation d'équipements de communication fabriqués par les entreprises chinoises Huawei et ZTE. La FCC a déclaré que l'utilisation de ces équipements par les entreprises américaines comportait des "risques inacceptables pour la sécurité nationale des États-Unis". Les nouvelles règles restreignent en outre l'utilisation de certains systèmes de vidéosurveillance fabriqués en Chine. Elles s'inscrivent dans le cadre de la guerre commerciale qui oppose la Chine aux États-Unis depuis plusieurs années.
« L'action que nous prenons aujourd'hui couvre les équipements de station de base qui vont dans nos réseaux. Elle couvre les téléphones, les caméras et les routeurs Wi-Fi qui entrent dans nos foyers. La FCC s'est engagée à protéger notre sécurité nationale en veillant à ce que les équipements de communication non fiables ne soient pas autorisés à être utilisés à l'intérieur de nos frontières, et nous poursuivons ce travail ici », a déclaré la présidente de la FCC, Jessica Rosenworcel. Hytera Communications, Hangzhou Hikvision Digital Technology et Dahua Technology sont également frappées par les nouvelles directives.
« Notre décision unanime représente la première fois dans l'histoire de la FCC que nous avons voté pour interdire l'autorisation de nouveaux équipements sur la base de préoccupations de sécurité nationale », dit Brendan Carr, un commissaire républicain de la FCC. Il a ajouté : « suite à notre ordonnance, aucun nouvel équipement Huawei ou ZTE ne peut être approuvé. Et aucun nouvel équipement Dahua, Hikvision ou Hytera ne peut être approuvé à moins qu'ils ne garantissent à la FCC que leur équipement ne serait pas utilisé pour la sécurité publique, la sécurité des installations gouvernementales et d'autres objectifs de sécurité nationale ».
Le week-end dernier, des observateurs de Twitter ont signalé que les résultats de recherches portant sur les principales villes chinoises renvoyaient un nombre impressionnant de tweets sur les services d'escorte, la pornographie et les jeux d'argent qui masquent les informations légitimes sur la vague de protestations qui frappe actuellement le pays. Les analyses montrent qu'il y a eu une "augmentation significative" de ces tweets au cours des trois derniers jours. Certains suggèrent que le gouvernement chinois serait à l'origine des faux comptes qui tentent d'empêcher les images et les vidéos des manifestations de se propager.
Selon les chercheurs, ces tweets visaient à réduire le flux d'informations sur les protestations généralisées contre les restrictions liées au coronavirus. Alex Stamos, de l'Observatoire de l'Internet de Stanford, a déclaré dans une série de tweets ce matin que la grande majorité (soit plus de 95 %) des comptes qui publient ces tweets sont des comptes de spam. « Ils tweetent à un rythme élevé et régulier tout au long de la journée, ce qui suggère une automatisation. Il est intéressant de noter que plus de 70 % de ces comptes de spam n'ont commencé à tweeter comme des fous que récemment », a déclaré Stamos dans l'un de ses tweets.
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