
après que des enquêtes ont révélé que le téléphone est en réalité un modèle générique chinois
Annoncé à grand renfort de slogans patriotiques et d’une imagerie nationaliste bien huilée, le smartphone Trump T1, commercialisé par Trump Mobile, n’aura conservé que sept jours sa promesse phare : être « Made in the USA ». Une semaine après son lancement, l’entreprise a discrètement supprimé cette revendication de ses supports marketing. En cause ? Une vérité embarrassante : le téléphone est, en réalité, fabriqué en Chine.
Derrière ce revirement, se cache un double scandale, à la fois commercial et idéologique. Il ne s’agit pas seulement d’un produit trompeur. C’est un produit politique qui illustre les contradictions d’un discours protectionniste vidé de sa substance à l’épreuve de la mondialisation.
Contexte
Après un lancement médiatisé et des affirmations audacieuses de fabrication « Made in USA », Trump Mobile a discrètement retiré cette allégation de son site web concernant le smartphone T1. En l'espace d'une semaine, la rhétorique a glissé d'une production entièrement américaine à des phrases plus vagues, telles que « conçu avec des valeurs américaines » ou « mis au point ici aux États-Unis » avec des « mains américaines derrière chaque appareil ». Cette volte-face soulève de sérieuses questions sur la transparence de l'entreprise et la faisabilité de ses promesses initiales.
Des analyses approfondies des spécifications et des rumeurs persistantes suggèrent que le Trump T1 pourrait être une version rebadgée d'un téléphone chinois existant, tel que le Wingtech REVVL 7 Pro 5G, dont le coût est bien inférieur. Bien que Trump Mobile ait affirmé que la fabrication aurait lieu dans des États comme l'Alabama, la Californie et la Floride, les détails concrets sur les usines et les processus de production restent flous.
Une opération marketing sous bannière étoilée
L'opération ressemblait à une communication ciblant entre autres Apple : Donald Trump avait exigé de l'entreprise qu'elle fabrique ses iPhone aux États-Unis, la menaçant de droits de douane « d'au moins 25 % » sur les iPhone non fabriqués sur le territoire. « Il y a longtemps que j'ai informé Tim Cook d'Apple que je m'attendais à ce que leurs iPhone [sic] qui seront vendus aux États-Unis d'Amérique soient fabriqués et construits aux États-Unis, et non en Inde ou ailleurs », a écrit Donald Trump dans un message publié sur Truth Social. « Si ce n'est pas le cas, un tarif douanier d'au moins 25 % devra être payé par Apple aux États-Unis. »
Des analystes ont pourtant indiqué que même avec un droit de douane d'au moins 25 %, l'iPhone revenait moins cher à fabriquer à l'étranger.
Une situation qui a fait réagir le camp Trump
Comme pour prouver que cela était faisable, le smartphone Trump T1 a été présenté comme le symbole ultime du « retour au made in America », vanté comme « conçu pour les patriotes, par les patriotes ». La page d’accueil du site de Trump Mobile arborait un drapeau américain flottant fièrement au-dessus du slogan « Made in the USA ». Tout dans le design, la communication et le ton cherchait à flatter l’électorat pro-Trump, féru de souveraineté industrielle et hostile à la dépendance vis-à-vis de la Chine.
Dès l'annonce du téléphone T1, vendu au prix de 499 dollars, de nombreux experts de l'industrie se sont montrés sceptiques quant à la possibilité qu'un smartphone soit entièrement fabriqué aux États-Unis. La complexité des chaînes d'approvisionnement mondiales, où les composants essentiels (écrans, processeurs, caméras) proviennent majoritairement d'Asie, rend une production 100 % américaine extrêmement difficile, voire impossible, à un coût compétitif.
Il n'a fallu que quelques heures pour que des enquêtes révèlent que l’appareil repose en réalité sur un modèle générique chinois : un téléphone déjà vendu sous d’autres noms. Le T1 n’est ni conçu, ni assemblé, ni même partiellement fabriqué aux États-Unis. Seul le logo Trump et la surcouche logicielle semblent être américains.
Dans un message publié sur X par l'analyste Max Weinbach, il a été indiqué que le T1 ressemble beaucoup au T-Mobile REVVL 7 Pro 5G. Les spécifications de l'écran et les résolutions inhabituelles des appareils photo correspondent à celles de l'appareil T-Mobile, ainsi que d'autres détails. Le smartphone est fabriqué par Wingtech, qui appartient au fabricant chinois Luxshare. La version T-Mobile serait fabriquée à Kiaxing, Wuxi ou Kunming, en Chine. Le T1 semble être une version relookée du REVVL 7 Pro 5G, avec un nouveau boîtier et des caméras légèrement déplacées. Ce smartphone coûte normalement 250 dollars au détail, et son prix peut même descendre jusqu'à 169 dollars en solde, comme c'est le cas actuellement sur Amazon.
Un glissement sémantique : « Made in the USA » devient « Designed with American values »
Confrontée aux preuves, Trump Mobile ne nie pas l’origine chinoise. Elle ajuste simplement son message : le téléphone est désormais « conçu avec des valeurs américaines ». Cette pirouette rhétorique est révélatrice d’un cynisme consommé. Car que signifie au juste « des valeurs américaines » ? La libre entreprise ? La fierté nationale ? La capacité à faire de l'argent en contournant les faits ?
L’expression brouille volontairement les pistes : elle évoque l’Amérique non pas comme territoire de production, mais comme un mythe mobilisateur. On vend un imaginaire plus qu’un objet.
Ce n'est pas la seule chose qui semble avoir changé à propos du téléphone depuis son lancement. Il était initialement annoncé comme ayant un écran AMOLED de 6,78 pouces, mais le site de T1 indique maintenant qu'il s'agit d'un écran de 6,25 pouces. Le site indiquait que le téléphone disposait de 12 Go de mémoire vive, mais il n'en indique plus du tout. La Trump Organization n'a pas donné les raisons qui expliquent ce changement, mais il est possible que Trump Mobile ait changé de fournisseur pour le T1. Quoi qu'il en soit, c'est une raison supplémentaire de douter de l'authenticité de ce téléphone.
Le site Web de Trump Mobile indiquait précédemment : « Notre téléphone T1 fabriqué aux États-Unis est disponible en pré-commande dès maintenant ». Le téléphone devait initialement être disponible en août, mais la date a été repoussée à septembre, et le site Web indique désormais simplement qu'il sera disponible « plus tard dans l'année ».
Le paradoxe trumpien : discours anti-globalisation, pratiques globalisées
Cette affaire éclaire d’un jour cru les contradictions du trumpisme économique. Depuis 2016, Donald Trump n’a cessé de prôner le retour de la production aux États-Unis, dénonçant l’externalisation et les importations chinoises. Mais dans les faits, ses entreprises (il s'est d'ailleurs fait piéger en 2012, lorsqu'il était encore inconnu en politique et invité de Letterman, qui l’a interrogé sur le lieu de fabrication de la ligne de vêtements qu'une de ses entreprises vendait. Donald Trump a reconnu ne pas savoir d’où viennent les chemises, ni ses cravates, avant que le présentateur ne lui rappelle qu’elles ont été fabriquées dans une usine en Chine - la vidéo est disponible ci-dessous) ont régulièrement été pointées du doigt pour leur dépendance à la sous-traitance étrangère.
Le Trump T1 ne fait pas exception. Il incarne même une forme aboutie de « nationalisme sous-traité », où la marque « America First » se contente d’un autocollant posé sur un produit chinois.
Des clients dupés ou consentants ?
Il serait trop facile de ne voir dans cette affaire qu’un scandale commercial. Une partie du public visé par Trump Mobile semble peu préoccupée par la provenance réelle du produit. Pour ces consommateurs, le symbole prime sur le concret. Acheter un Trump T1, c’est afficher son allégeance, revendiquer une identité politique. L’origine du circuit imprimé ou la chaîne d’assemblage importe peu.
On touche ici au cœur de la stratégie trumpienne : remplacer les faits par le récit, l’économie réelle par une économie narrative. Le téléphone devient un vecteur d’adhésion, non un objet à examiner sous l’angle de la cohérence.
Vers un « patriotisme de façade » dans la tech ?
Le cas du Trump Phone soulève des questions plus larges sur les promesses patriotiques dans l’industrie technologique. De nombreuses marques américaines sous-traitent en Chine tout en revendiquant une identité « américaine » fondée sur le design ou les valeurs. Mais Trump Mobile pousse cette logique jusqu’à l’absurde en transformant une opération de rebranding opportuniste en acte de foi politique.
L’épisode met aussi en lumière l'absence de régulation stricte sur les mentions « Made in USA » dans certains segments numériques. Alors que la Federal Trade Commission (FTC) impose des règles en matière d’étiquetage, les zones grises restent nombreuses quand il s’agit de logiciels ou d’assemblage partiel.
Conclusion : un symbole creux dans une coque chinoise
En quelques jours, le Trump T1 est passé du statut de « téléphone patriotique » à celui de produit emblématique d’un marketing politique à courte vue. Derrière les grandes envolées sur les « valeurs américaines », le consommateur découvre un smartphone chinois standard, relooké aux couleurs du trumpisme.
Ce scandale mine encore un peu plus la crédibilité des discours économiques fondés sur le repli nationaliste. Et il rappelle que, dans une économie mondialisée, le véritable enjeu n’est pas de brandir un drapeau sur un produit, mais de dire la vérité sur son origine, ses conditions de fabrication et son impact réel.
Source : Trump Mobile
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